Jenny Pearce
Introduction
En examinant les contributions de ce Recueil, jai été frappée par trois choses. Dabord, par leur richesse en analyse conceptuelle à base empirique, abordant brièvement plusieurs des questions cruciales qui sont apparues au cours des années 1990 sur le thème du développement, des ONG et de la société civile. Deuxièmement, par le panachage dauteurs universitaires militants - praticiens, pour lesquels ces questions ont vraiment de limportance, parce que de leur clarification, pourrait dépendre la réalisation dun monde meilleur. Mais troisièmement, et cela en dépit de la qualité et de la pertinence des documents sélectionnés pour ce volume, par la difficulté damorcer un débat plus général sur leurs contenus.
La responsabilité nen incombe certainement pas à ces contributions. Au contraire, elles font parfaitement le tour de lensemble des problèmes. La raison en est que ces documents font éruption dans un monde dont leffondrement des repères intellectuels et politiques et des points de référence a encouragé un déferlement dopinions et de perspectives, sans cadre de débat structuré ou cohérent. On a donc perdu la capacité de réflexion et décriture, on répète et on réinvente beaucoup, les gens parlent mais nécoutent pas, les gens écrivent mais ne lisent pas, et réciproquement. Les débats de développement si on peut les appeler ainsi- au cours de ce nouveau millénaire peuvent être comparés à des cercles concentriques orbitant les uns autour des autres sans jamais se rencontrer. Ces cercles semblent partager un noyau dans lequel un langage et des concepts identiques sont utilisés, allant de la Banque Mondiale, en passant par les ONG de lHémisphère Sud jusquaux militants de base. Cette aversion à clarifier les définitions investies dans ces concepts reflète une collusion collective dans le mythe de lexistence dun consensus sur le développement, ou encore quun accord explicite sur une approche consensuelle du problème de la pauvreté globale a été conclu. Un titre de l International Herald Tribune du 7 janvier 2000 déclarait par exemple : Le concept de pauvreté a subi un changement radical : Une solution semble dorénavant possible.
Non seulement il nexiste pratiquement pas de consensus actuel, mais le monde réel des ONG de développement et des donateurs officiels est caractérisé par la méfiance et la férocité dune concurrence pour la répartition des ressources, et par un protagonisme très préjudiciables à la lutte contre la pauvreté. En plus, la déficience des réponses à la pauvreté globale nest que trop apparente. Le Rapport sur le Développement Humain 1997 du PNUD donne un aperçu détaillé des progrès et des revers que les approches de la pauvreté globale au vingtième siècle ont subi, et un tableau qualitatif et quantitatif de lampleur des problèmes à résoudre (PNUD 1997, pages 24-60). Bien quil y ait eu des succès notables, ces derniers nont pas été caractérisés par la durabilité ou une répartition équitable. La restructuration économique des années 1980 et 1990 reflète ce que le PNUD appelle la tendance des hauts et des bas des processus de développement, suggérant que la libéralisation économique ait aggravé les inégalités actuelles alors même quelle encourageait la croissance et laccumulation pour ceux qui se trouvaient déjà en position de force sur les places de marché. Cette position de force peut émaner de richesses acquises en toute légalité, mais également de pouvoir coercitif et de commerce illégal. Les mafias criminelles, un grand nombre dentre elles dans lHémisphère Sud et dans les pays en période transitionnelle de laprès communisme, se sont aussi développées dans la conjoncture dopportunités offertes par le relâchement des contrôles financiers et commerciaux globaux. Entre 1987 et 1993, le nombre de personnes avec des revenus de moins de US$1 par jour est pratiquement passé de 100 millions à 1.3 billions de personnes, un tiers de la population du monde en développement. Pourtant, entre 1989 et 1996, le nombre de milliardaires a augmenté de 157 à 447 ; et la valeur de leur fortune cumulée a excédé les revenus cumulés des plus pauvres 50 pour cent des pauvres dans le monde (PNUD 1997 : pages 38 et 110). Depuis le début des années 1980, plus de 100 pays en développement et en transition ont subi des réductions de leur niveau de vie et des échecs de croissance plus prolongés et plus importants que tout ce que les pays industrialisés aient dû subir pendant la Grande Dépression des années 1930 (PNUD 1997 : page 7).
Si nous ne nous limitons pas au monde en développement en élargissant notre étude au tableau global, le problème de la pauvreté humaine dépasse largement le tiers de la population de lHémisphère Sud souffrant de pauvreté monétaire et le quart qui est pauvre selon les termes de lIndice de Développement Humain du PNUD. Plus de 100 millions de personnes dans les pays industrialisés vivent aussi en deçà du seuil de pauvreté monétaire (PNUD 1997, page 34). Mais ce nest pas seulement la question du nombre de personnes vivant en dessous dun minimum convenu : cest à dire une catégorie de personnes démunies se trouvant du mauvais côté de la barrière dichotomique de définition relativement récente de lexclusion/inclusion. Pas plus que ce ne sont les millions qui ne sont pas, de fait, en dessous de ce seuil, mais qui vivent en marge, dans la peur constante de franchir cette ligne critique, souffrant non seulement de lappréhension dun dénuement réel mais aussi de conditions dexploitation quotidienne (1) . Plutôt cest la question de savoir si le côté inclusion vaut la peine dêtre sauvegardé, ou si ce quil prétend offrir peut réellement être dispensé universellement. On peut entendre dans lHémisphère Sud aujourdhui lexpression de positions convaincantes, qui avec leurs alliés intellectuels de lHémisphère Nord demandent la fin du développement en tant que concept. Majid Rahnema suggère que le développement ne pourra jamais offrir une option durable aux habitants de la planète, même sil réussissait:
&..les échecs de développement ne peuvent plus être dorénavant attribués uniquement à lincapacité des gouvernements, institutions et responsables de sa mise en application. En fait, si toutes les promesses faites à leurs populations respectives avaient été tenues et si largent et les ressources nécessaires au développement de tous les soi-disant pays sous-développés du monde avaient été disponibles pour leur permettre daligner leur développement sur celui des pays les plus avancés, les impasses et les tensions qui en auraient résulté auraient peut-être pris une tournure encore plus dramatique. Par exemple, il a été estimé que la parution dun seul exemplaire du New York Times dévore150 acres de forêt. Dautres chiffres semblent indiquer que, si le reste du monde consommait le papier, y compris le papier recyclé, à la même cadence que les Etats Unis (qui a 6 pour cent de la population mondiale), il suffirait de deux années pour dégarnir complètement la planète de ses arbres. De plus, étant donné que le nombre de véhicules privés aux Etats Unis excède de beaucoup le nombre dhabitants, un organe de développement efficace, qui pourrait aligner le nombre de lecteurs de journaux et de propriétaires de véhicules en Inde et en Chine sur celui des Etats Unis poseraient à ces pays (et peut-être au reste du monde) des problèmes de trafic, de pollution et dépuisement des forêts sur une échelle catastrophique. Cest peut être un bienfait que cet organe nait pas été aussi efficace que les programmateurs lespéraient ! (dans Rahnema et Bawtree 1997 : pages 378-379).
Même si nous nacceptons pas toutes les conclusions de la position de laprès-développement, dans la mesure où elle présente, en tant que théorie de dépendance, une critique sévère, mais peu de directives constructives sur les actions et les politiques à suivre, le temps est venu de remettre profondément en question le schéma dichotomique de la réussite de lHémisphère Nord et de léchec de lHémisphère Sud. Un tel schéma dissuade tout effort de réflexion sur la conception du monde que nous voulons construire, et au contraire limite notre démarche à une opposition schématique entre lAutre appartenant au tiers monde et Nous dans le premier monde auquel nous voudrions quil ressemble. La plupart dentre nous ont pensé que ce schéma, dabord encapsulé par la théorie de modernisation des années 1950, avait été tellement écharpé sur le plan intellectuel quil avait cessé dexister. Toutefois, il a fait un retour en force dans les années 1980 et 1990 sous une forme nouvelle. Sans aucun doute, sa réapparition a été encouragée par les rêveries de gens comme Fukuyama, méditant sur la Fin de lHistoire, repris dans lédition du millénaire de Newsweek, qui déclarait que le capitalisme et la démocratie seraient les grands vainqueurs de ce second millénaire. Pourtant, alors que les Sudistes prolifèrent dans le Nord et que les Nordistes émergent dans le Sud, nous devons questionner aussi bien le développement en tant que concept et idéal, que la contribution éventuelle des ONG dans ce domaine.
Mon essai dintroduction a dabord pour objectif didentifier à partir de ce recueil de documents les différents mouvements de pensées actuelles concernant le développement, les ONG et la société civile et de clarifier les arguments du débat qui ont été soulevés au cours de la dernière décennie. Deuxièmement, je vais affirmer que lâge du consensus rhétorique doit être déclaré révolu. A sa place, et je serai, dans ce cas, plutôt en accord avec Michael Edwards (1999), il faudrait que nous abandonnions définitivement le paradigme de laide étrangère pour nous tourner vers une nouvelle conception de coopération internationale, sappuyant sur une large diversité dalliances entre les différents protagonistes et les institutions engagées dans la lutte contre la pauvreté globale et lexploitation. Construire des alliances globales et des circonscriptions pour le changement, il affirme, devrait permettre aux êtres humains de déterminer collectivement leur avenir sur la scène mondiale. Toutefois, tandis quil est évident que seul un engagement mutuel pourra amener le changement nécessaire et encourager le débat sur ce qui peut ou ne peut pas marcher, la coopération internationale ne peut pas sappuyer sur une dissimulation des divergences de valeurs, dintérêts, de positions politiques et finalement de la capacité de les appliquer dans lordre global actuel. Edwards réclame une forme de coopération démocratique et dialogique qui ne serait pas basée sur un schéma universel imposé den haut, mais sur lobjectif politiquement réalisable dun capitalisme plus humanisé. Lobjectif de la coopération nest, toutefois, pas sans ses détracteurs ; lobjectif défini par Edwards est également un sujet de contention , comme lest lobjectif du développement. Sa conception de ce qui est politiquement réalisable est contestable. Décider de lendroit où le dialogue devrait avoir lieu et garantir une égalité de participation telle que la réclame Edwards, sont des questions extrêmement complexes (2) .
Toutefois, cet essai introducteur va surtout affirmer que la base théorique, normative et politique dune critique de lordre global est encore insuffisante et/ou absente parmi les ONG, et que le consensus rhétorique occupe le vide qui sest créé à partir de cette lacune. Cela a donc un impact sur laction et la pratique, mais aussi sur lengagement dun débat à la recherche dun terrain dentente et de nouvelles formes de coopération. Des collaborations de ce Recueil émerge un appel aux ONG pour un examen et une révision critique de leurs rôles à la lumière des expériences pendant et surtout après la Guerre Froide. Au cours des 15 dernières années environ, les ONG ont été sollicitées par les gouvernements et les institutions multilatérales. Le moment est venu dévaluer le mérite de leurs réponses et de débattre des critères sur lesquels vont sappuyer les choix déterminant lavenir. Alors que les ONG sont soumises à un examen de plus en plus rigoureux, le moment est sûrement venu de faire preuve dhumilité et de se remettre en question, en se demandant : ont-elles vraiment un avenir ?
La tâche initiale pour cet essai est, par conséquent, débaucher les thèmes majeurs qui sont soulevés dans ce Recueil et dévaluer ce quils nous enseignent sur le débat actuel concernant le développement, les ONG et la société civile. Jai identifié quatre thèmes essentiels : les ONG et le néo-libéralisme, les rôles et relations entre les ONG internationales (du Nord) et des ONG du Sud ; les ONG et létat ; et la théorie, la praxis et les ONG.
Ce thème est un point de départ intéressant. La première contribution de ce Recueil est, comme il se doit, celle de Michael Edwards et de David Hulme, qui font le compte-rendu de la première des trois conférences internationales quils ont organisées au cours de cette décennie en 1992, 1994 et avec Tina wallace, en 1999 sur les ONG et le développement. Cette conférence de 1992 a révélé les premiers symptômes de tensions au sein de la communauté des ONG de développement, à un moment où elles se trouvaient être les bénéficiaires dun financement potentiel et dune respectabilité inespérés de la part des donateurs officiels. Edwards et Hulme attirent lattention sur les risques comme sur les avantages implicites de cette opportunité daugmentation déchelle:
&un accroissement de lintérêt et du soutien pour les ONG parmi les agences donatrices officielles peut créer une prédisposition, ou encourager un dérapage, vers une expansion organisationnelle et opérationnelle. Ces mesures incitatives doivent être accueillies avec prudence, car les décisions délargir avec un financement officiel peuvent avoir des conséquences néfastes : par exemple, elles peuvent exclure certaines possibilités daction ; ou encore responsabiliser les ONG davantage envers les donateurs officiels quenvers les bénéficiaires prévus ; ou encore donner un aval implicite aux politiques générales de libéralisation économique.
Au milieu des années 1990, un ton inhabituel de cynisme sest glissé dans les pages de Development in Practice. Gino Lofredo affirme que les appels à la prudence formulés par Edwards et Hulme ont été ignorés. Son commentaire satyrique sur la prolifération des OH-EN-GÉ parmi les professionnels du Sud est un avertissement pour tous ceux qui ont avalé trop rapidement la couleuvre des agendas du donateur officiel et transformé le développement en un commerce de lère néo-libérale comme un autre, voué en dernière analyse à ce quil appelle l(Auto) Développement Durable. A la fin des années 1990, Stephen Commins, traitant cette fois-ci des ONG du Nord, constate le préjudice quont subi tous ceux qui ont choisi de devenir une agence de distribution de soupe populaire globale. Il affirme que le choc en retour a commencé et que les ONG ne sont plus considérées comme pouvant offrir des avantages comparatifs significatifs que ce soit en terme de développement communautaire ou dans le cadre complexe des situations humanitaires. Plutôt, elles sont des écrans de fumée dissimulant linaction gouvernementale ou lindifférence face à la souffrance humaine à la fois dans les situations humanitaires complexes et dans la restructuration économique.
Dans quelle mesure les ONG de développement ont-elles succombé aux pressions et mesures incitatives les poussant à régler la facture du coût social de la restructuration néo-libérale, évitant ainsi aux institutions gouvernementales et multilatérales de rompre avec leur conviction néo-libérale en ré-instaurant des états providences ? Alors que le discours de ces institutions sest colorée dune sensibilité plus sociale, sest orienté davantage vers lhumain et est devenu moins anti-état au sens idéologique du terme, la philosophie sous-jacente de mondialisation gouvernée par léconomie de marché na pas été remise en question. Pourtant, de nombreuses ONG progressives et bien intentionnées du Nord comme du Sud aussi bien que les opportunistes ont accepté le financement de ces institutions pour réaliser le développement communautaire, la reconstruction daprès conflit et de manière plus ambitieuse, lédification de la démocratie, en écartant tous doutes résiduels sur le concept intrinsèque du néo-libéralisme. Ce qui a peut-être été à lorigine du dérapage anti-ONG est que, et ce nest pas vraiment surprenant, les ONG ont été incapables de trouver une solution au coût social de la restructuration économique. Les critiques des ONG se sont concentrées sur leurs déficiences techniques, leur absence de responsabilisation et leur caractère trop politique et critique. Cet échec a compromis leur crédibilité parmi les technocrates des institutions donatrices, qui réclamaient de leurs investissements dans le secteur ONG des résultats rapides et quantifiables. Et il a affaiblit lautorité des champions du développement social favorables aux ONG au sein de ces institutions (3) .
Si les chiffres du PNUD sont corrects, la pauvreté globale et linégalité se sont accrues dans de nombreuses parties du monde sous linfluence de lagenda de la politique néo-libérale et des processus de libéralisation du commerce, de privatisation et des réformes du marché du travail etc. Même avec son légendaire million dONG (Salamon et Anheier 1997), les réussites relatives de lInde dans le domaine de la réduction de la pauvreté entre 1976 et 1990 sont attribuées par le PNUD aux niveaux élevés des dépenses publiques niveaux qui se sont trouvés menacés à la fin des années 1990 par une détermination néo-libérale de réduire les déficits fiscaux et de minimiser le rôle de létat (PNUD 1997 : page 52). Cela ne signifie pas que le tableau est totalement alarmant, ni que les statistiques macroéconomiques ne saméliorent pas dans certaines régions ou certains pays. Pas plus que cela signifie que certaines ONG ne font pas du bon travail. Simplement, que laugmentation du nombre dONG, aussi dévouées et efficaces soient-elles, ne pourra jamais offrir des solutions immédiates à un problème dune telle envergure, ni même latténuer au point de pouvoir garantir une stabilité sociale relative.
Plus inquiétant est le sacrifice que les ONG ont fait de leur légitimité dans leur propre société, par leur détermination à participer à la réalisation de programmes de filet de protection sociale associés aux politiques néo-libérales des donateurs. Richard Holloway (1999) lexpose avec vigueur :
Alors que tous ceux qui appartiennent au monde des ONG se considèrent être au-dessus de la mêlée, la réalité est que de nos jours il ny a pratiquement personne dans le Sud en dehors de celles appartenant au monde des ONG qui partage cette opinion. La rumeur des rues dans le Sud est que les ONG sont des charlatans qui disposent de salaires élevés &.. et de nombreux bureaux climatisés.
Une étude détaillée des ONG en Amérique Latine, commanditée par ALOP/FICONG (4) souligne la sensibilisation croissante du Sud à ce problème. Létude de cas argentin, par exemple, conclut :
En synthèse, les ONG de Promotion et de Développement sont immergées dans un environnement qui fait preuve dintérêt et douverture pour les institutions privées dans le domaine social, mais avec lhégémonie idéologique et pratique dune modélisation qui ne privilégie pas le changement social, pas plus quil ne le considère nécessaire. En dautres mots, un environnement (un marché) qui est fondamentalement intéressé par les services les plus techniques et aseptiques que les ONG de Développement peuvent offrir (leurs services dintermédiaires financiers ou dassistance professionnelle) et quasiment indifférent à leur rôle fondamental de promotion de développement. Cet environnement engendre (par les opportunités de reconnaissance sociale et financière quil implique) de fortes tensions au sein des institutions, qui les incitent soit à se transformer efficacement en services dexpertise commerciale ou sociale, soit à maintenir et à consolider leur rôle de promotion sans avoir les ressources pour lentreprendre. (Bombarolo et Pérez Coscio 1998. page 45).
Les pages de Development in Practice nétaient pas les seuls, au cours des années 1990, à avertir les ONG sur les dangers et les conséquences éventuelles que pouvait avoir la mise en application des agendas des donateurs officiels. (5) Lintroduction au volume paru à loccasion de la seconde conférence internationale des ONG, ONG et Développement : Performance et Responsabilisation dans le Nouvel Ordre Mondial le déclare franchement :
Notre conclusion principale est que les ONG doivent retrouver leurs racines si elles veulent promouvoir la réduction de la pauvreté sur une échelle importante. A partir de cette conclusion, nous posons un certain nombre de questions. Se pourrait-il que de nombreuses ONG (du Sud) soient tellement impliquées dans les prestations de services que les associations quelles créent au niveau local confèrent au personnel et aux dirigeants des ONG un pouvoir dont les pauvres et les désavantagés sont écartés? Cest ce que lon peut certainement affirmer de certaines des ONG les plus importantes au Bangladesh. Les ONG (du Nord) se sont-elles tellement impliquées dans un lobbying direct des donateurs quelles ont négligé leur rôle qui est de créer des citoyens actifs qui, par des processus politiques plus diffus, sont en mesure de réclamer des politiques daide efficaces ainsi que des changements de politiques divers (par exemple, dans le domaine commercial, pour la remise de la dette et dans le domaine des affaires étrangères) qui assisteraient les personnes démunies dans les pays pauvres ? (Hulme et Edwards 1997. page 20).
En tant que participante à cette conférence de 1994, il ma semblé évident que les ONG du Nord et du Sud et que les universitaires qui travaillent pour elles se trouvaient déjà tacitement en désaccord. Cette fracture ne sest pas produite à loccasion dun débat spécifique sur les dilemmes, mais sur deux approches les concernant. Une sintéressait aux changements techniques que les ONG devaient entreprendre si elles voulaient continuer à demeurer un facteur déterminant de ce nouvel ordre économiquement restructuré. Une prolifération de documents sur la consolidation institutionnelle, le renforcement des capacités, lamélioration de la responsabilisation et la quantification de lefficacité par lutilisation de structures logiques (logframes) et des indicateurs de développement social, ont abordé certains des problèmes actuels particuliers auxquels les ONG devront sattaquer si elles veulent améliorer leurs interventions et se justifier aux yeux des donateurs. Dun autre côté, on observait une minorité qui se sentait décontenancée par cette nouvelle terminologie et qui soulignait avant tout limportance de politiques appropriées et de résistance aux agendas déterminés par les donateurs sils devaient conduire à une bureaucratisation et une dépolitisation des ONG. Il est facile de dédaigner ces derniers sous prétexte que ce sont des traditionalistes de gauche qui nont pas réussi à évoluer ou des utopistes complètement dissociés des réalités du monde daujourdhui. Ceux qui préféraient le discours des politiques avaient aussi tendance à affaiblir leur position en refusant dadmettre que le problème se situait plus au niveau de la contribution à une amélioration concrète de la vie des gens quau niveau dune amélioration de la capacité à le faire. Ceux qui ont essayé de réconcilier ces positions se sont trouvés marginalisés par rapport aux questions fondamentales. Par exemple, en dépit des décennies de débat sarticulant autour des questions de sexospécificités et de développement, une question sociale et politique aux répercussions considérables pour la pratique du développement, elle a encore été jugée accessoire par tous ceux qui se préoccupaient du défi aux/de ladaptation des ONG au Nouvel Agenda Politique, et de leur survie au sein de cet ordre (mai 1995).
Quil soit préférable que les choix politiques déterminent lamélioration de lefficacité et du management plutôt que le contraire est une possibilité qui sest trouvée occultée dans la dichotomie erronée opposant les agendas politiques et les agendas techniques une question à laquelle on reviendra plus tard dans cet essai. Cette dichotomie, je pense, est une des raisons pour lesquelles les ONG nont pas réussi à développer une critique originale du néo-libéralisme et pourquoi beaucoup dentre elles finissent par mettre en application un modèle avec lequel elles se sentent profondément mal à laise. (6) En fait, on peut dire que 20 années de libéralisation économique ont nui au secteur des ONG, le fragmentant et fomentant une concurrence à laquelle, comme le modèle de marché du libre échange le soutient, seuls les plus efficaces pourront survivre. La ruée vers lefficacité, comme si celle-ci était laboutissement neutre et discret de décisions techniques semble sêtre fait aux dépens du processus long et ardu du débat sur les autres valeurs, comme celle de savoir si la poursuite dune plus grande efficacité ne se fait pas aux détriment des objectifs de changement sociaux.
Bien quil nait jamais été homogène, le secteur des ONG sest transformé au cours de ces deux dernières décennies, pas seulement sur le plan quantitatif, mais aussi en assimilant une multiplicité dagendas, de fonctions et de valeurs. Simultanément, la restructuration néo-libérale a été réalisée dans le Sud. Ainsi, plutôt que de commencer ce nouveau millénaire en ayant démontré les avantages dune coopération de développement internationale, les ONG doivent faire face à une crise de laide étrangère dont elles commencent juste à ressentir les effets, bien quelles se trouvent encore dans une situation relativement privilégiée dans la répartition dun budget daide qui s'amoindrit comme une peau de chagrin. La fin de la Guerre Froide et la montée irrésistible de la philosophie néo-libérale ont transformé la logique qui sous-tendait la répartition de laide. Le Nord refuse dorénavant dassumer une responsabilité pour la pauvreté du Sud, les programmes daide nétant pas déterminés par des considérations géopolitiques et les gouvernements du Sud, qui sont dorénavant incapables de se mesurer aux superpuissances, ne disposant que dune voix bien affaiblie sur la scène internationale. La responsabilité est placée (en partie avec raison) sur la capacité du Sud à régler ses propres difficultés mais uniquement dans le cadre compétitif dune économie globale où les chances ne sont déjà pas en leur faveur. Laide se concentre de plus en plus sur les catastrophes humanitaires, les désastres et les conflits qui font la une des journaux et des médias de lopinion publique du Nord. (7)
La crise de la coopération internationale, et le futur des ONG dans la réalité économique de la mondialisation, a été le contexte de la troisième conférence des ONG, les ONG dans un futur global, qui sest tenue en janvier 1999. Reflétant la fragmentation des perspectives qui sest produite au cours de la décennie précédente, la conférence a été probablement la plus éclectique des trois : une conférence complexe et de grande envergure, dont le cachet en a peut-être été la diversité dexpérience et dopinions(Wallace 1999. page 2). Lenjeu fondamental que les organisateurs ont présenté dans leur document contextuel, na pas reçu la considération quil méritait. Ils demandaient une distanciation plus marquée avec les rôles qui sont devenus prédominants en cet âge du néo-libéralisme de la fin du vingtième siècle en dautres mots, abandonnant le développement comme prestation pour le développement comme levier. Ils demandaient aux ONG de recouvrer les rôles quelles tenaient dans la promotion du changement social et des valeurs de coopération totalement divorcées de léconomie de marché, de la non-violence et du respect pour les droits humains et les processus démocratiques, et de faire de ces principes la base de toutes discussions dans les décisions concernant léconomie et lenvironnement, la politique sociale et les politiques générales (Edwards, Hulme et Wallace 1999 :13). Plutôt que dêtre des exécutants découragés dans un système daide étrangère en déclin les organisateurs demandaient aux ONG de reconsidérer leur mandat, mission et stratégies (ibid.&.16) et denvisager la substitution progressive à laide étrangère dun agenda plus général de coopération internationale dans lequel les ONG pourraient redéfinir leurs rôles et établir des alliances avec dautres organisations sociales et civiques sarticulant autour dobjectifs communs. Toutefois, ces idées nont même pas été abordées au cours des débats de la conférence, à laquelle ont assisté les représentants dONG du Nord et du Sud pourtant plus nombreuses et plus hétérogènes quaux deux conférences précédentes, et aucune direction pour lavenir ne sen est dégagée.
Toutefois, les paramètres du débat sont désormais plus explicites. Ceci après des années au cours desquelles de nombreuses ONG du Sud et du Nord se sont plus ou moins laissées manipulées ou influencées sans enthousiasme par les agendas des donateurs officiels et le déterminisme techno-efficacité. Les donateurs officiels ont sollicité les ONG tout en poursuivant leur politique de restructuration néo-libérale que beaucoup considèrent comme faisant partie intégrante du problème de la pauvreté, et non pas sa solution. Simultanément, au cours des années 1990, les donateurs ont commencé à remettre en question lefficacité et la représentativité des ONG, non seulement les organisations internationales, basées au Nord, mais également celles du Sud. De nombreux donateurs ont commencé à modifier le nom de leurs Unités dONG afin de les rebaptiser des Unités de Société Civile et se sont orientés vers le financement dassociations dans le Sud dépassant le cadre des groupes intermédiaires des classes moyennes, exemplifiées par les ONG. Un tel changement soulève de nombreuses questions sur les motivations des donateurs, mais pour les besoins de cette Introduction, cest une raison supplémentaire contraignant les ONG du Sud et du Nord à réexaminer leurs rôles et leurs objectifs ainsi que leurs relations mutuelles.
Les années 1990 ont été le témoin de changements fondamentaux affectant les relations entre les ONG (du Nord) internationales et les ONG du sud, dont la nature est bien illustrée dans ce Recueil. Si lun des problèmes fondamentaux qui est apparu à la conférence de 1992 a été celui des partenariats des ONG Sud-Nord, alors que la décennie touchait à sa fin, lidée même de partenariat a été progressivement perçue comme représentant à tort le pouvoir que les ONG du Nord, par leur financement, exerçaient sur les ONG du Sud. Alors que les donateurs officiels commençaient également à financer directement les ONG du Sud, ces dernières ont acquis des identités institutionnelles plus autonomes par rapport aux ONG du Nord et commencé à établir leur propre agenda et à développer leurs propres capacités de recherche, de politiques générales et de préconisation. A la fin des années 1990, Firoze Manji affirme que les ONG Britanniques internationales (ou BINGO comme il les appelle) nont pas su accepter cette évolution. Leurs arguments contre le financement direct des ONG du Sud reflètent la persistance dun paternalisme qui sexprime dans les critiques adressées aux ONG du Sud, et qui pourraient tout autant sappliquer aux ONG du Nord (par exemple, absence de responsabilisation, domination de lagenda des donateurs, réponses au financement potentiel plutôt quaux besoins), et une peur instinctive de ce que lavenir leur réserve.
La croissance des ONG du Sud et leur protagonisme croissant est le thème de la décennie. Mais lattention sest également tournée vers les conséquences du déclin dun financement jusque là aisément obtenu et qui avait alimenté la croissance des années précédentes ainsi que vers les questions de la légitimité des ONG plutôt que de sintéresser uniquement aux problèmes dexpansion. Mick Moore et Sheelagh Stewart affirme, dans leur contribution de 1998, que les ONG de développement dans les pays pauvres doivent rétablir la confiance publique sils veulent persuader les donateurs de continuer à leur confier la responsabilité de lacheminement des fonds. Ils identifient quatre domaines problématiques : Lincapacité des ONG à développer la responsabilisation dans leurs propres pays plutôt quenvers des organisations étrangères nanties ; la nécessité de réformes internes et de mécanismes pour institutionnaliser la suspicion au sein des ONG qui traversent une période de croissance structurelle, recouvrant ainsi leur crédibilité et la confiance du public, du gouvernement et des donateurs; la nécessité pour les ONG danticiper lévaluation formelle de la performance quantitative que les donateurs affectionnent, qui est souvent intrusive et inappropriée, en développant des critères qualitatifs originaux; la nécessité de surmonter la tendance à la concurrence des petites ONG qui ont proliféré, en faisant des économies déchelle par lutilisation des services collectifs disponibles dans le secteur des ONG. Lautorégulation collective pourrait, les auteurs laffirment, permettre aux ONG de débouter la critique qui se pourrait être une des raisons du déclin du financement.
Le débat concernant les futures orientations des ONG du Sud est devenu crucial à la lumière des enjeux du début de ce millénaire. Il est également difficile dencourager un débat de cette nature précisément parce que les événements des années 1990 ont participé à la fragmentation et à la division du secteur. Toutefois, il semblerait quun débat soit en train de samorcer. Dans la région que je connais le mieux, lAmérique Latine, le volume ALOP/FICONG auquel jai déjà fait allusion, illustre les efforts qui sont faits pour affronter les dilemmes daujourdhui et pour permettre aux ONG de décider de leur propre futur grâce à un dialogue plus transparent avec le Nord. Toutes les régions et toutes les ONG nont pas été affectées de la même façon par le déclin des budgets daide. Le problème en Amérique Latine, avec sa longue tradition dONG, a été la propension de la communauté daide à surestimer la richesse de la région, ou du moins à la considérer comme disposant de revenus moyens, tandis que la démocratisation a été le prétexte utilisé pour justifier le retrait des fonds indispensables, accordés initialement aux organisations afin quelles puissent réaliser cette même démocratisation. De plus, étant donné la grande tradition de la région en ce qui concerne les mouvements dorganisation sociale, lintérêt que les donateurs ont accordé à une société civile au sens le plus large du terme plutôt quau financement des ONG a obligé ces dernières à justifier leur existence aussi bien aux organisations de base quaux donateurs.
Le chapitre de conclusion de Mariano Valderrama (dans Valderrama León et Pérez Coscio 1998), sappuie sur neuf études de cas. Les problèmes quil souligne sont moins ceux du rétablissement de la confiance des donateurs que de savoir comment les ONG peuvent renouer avec leurs objectifs de changement social originels, tout en conservant laccès à des fonds en diminution constante. Le futur des ONG de développement, il affirme, nest pas seulement influencé par la mondialisation et les réformes libérales. La crise de financement a attiré lattention sur la subordination des ONG aux éléments externes et a provoqué de grandes incertitudes, mais le problème ne peut se résumer simplement à un déficit de ressources. Les donateurs ont adapté et orienté leur financement vers des projets spécifiques et à court terme, basant le choix de leurs priorités géographiques et actuelles sur des critères erratiques, lié à une plus grande conditionnalité, et dépourvus de frais de couverture institutionnelle. Les ONG ont été encouragées à utiliser les ressources locales et lautofinancement, en sadressant par exemple à la philanthropie de certains hommes daffaires. Les études de cas montrent que cette alternative est très limitée. Pour participer à des activités dautofinancement qui habituellement supposent la vente de services et la réalisation de projets pour le compte de létat, des gouvernements locaux et des agences officielles daide bien que ces activités procurent des dividendes monétaires, elles détournent souvent les ONG de développement de la mission qui leur a donné naissance et un sens (ibid. : 420). Valderrama conclut :
Les ONG de développement sont confrontés aujourdhui à un problème didentité et de cohérence. Comment intervenir dans le marché et comment élargir et diversifier les sources de financement sans renoncer aux objectifs qui sont le fondement de la raison dêtre des ONG de développement, et qui, de toute évidence, sont liés aux principes de démocratie et de développement humain. Evidemment dans ce domaine, il ny a pas de formules magiques ou de recettes toutes simples.
Ce dont a peur Valderrama est que la réponse quil anticipe de la majorité des ONG sera dentreprendre des activités qui les fractionnent et leur confèrent un caractère mercantile pour résoudre leurs problèmes immédiats de financement. Bien quil noffre pas de directives explicites, il ne voit pas nécessairement dans les économies déchelle qui pourraient être réalisées si les ONG sagrandissaient, une solution à leurs problèmes. Pratiquement dans la même veine que la suggestion de Moore et Stewart, il demande une plus grande synergie entre les ONG de développement, et également une plus grande coordination avec les ONG du Nord. La coordination pourrait aussi encourager la création dun environnement local plus favorable au secteur ONG, par exemple en influençant les médias et lopinion publique.
Ce sont les problèmes auxquels les ONG du Sud font déjà face ou le feront bientôt, dans de nombreuses régions du monde, alors que lacheminement des fonds par les ONG est en examen et de plus en plus contesté. Mais, comme le cas de lAmérique Latine le montre, la crise de financement a remis en question chez les ONG la trajectoire que le financement externe leur a fait prendre. Leur revendication de protagonisme social et politique est-elle justifiée quand ce genre de financement les a trop souvent éloignées des mouvements et des processus de base ? Un infléchissement vers une communication plus horizontale parmi les ONG du Sud pourrait-elle les aider à surmonter la spécificité bilatérale et verticale de la relation donateur-ONG, un fait qui a favorisé une telle fragmentation et concurrence entre les ONG ? Quel sera laccueil des ONG du Nord à la requête de Valderrama alors que nombres dentre elles traversent déjà une phase chaotique dajustement de leur rôle au changement externe ?
Firoze Manji souligne laversion de nombreuses ONG du Nord à modifier le modèle paternaliste de collaboration quelles ont établi avec leurs homologues du Sud et à créer de nouvelles alliances basées sur la solidarité, non la charité. En ce début de nouveau millénaire, toutefois, les ONG du Nord aussi bien que du Sud doivent aborder des questions ardues concernant le futur de leur identité et leur survie. Les ONG du Sud, en particulier les plus importantes et celles qui veulent sélargir, peuvent avoir pour l'instant obtenu une indépendance relative par rapport aux ONG du Nord, mais qui ne sétend pas aux donateurs officiels qui ont financé cette expansion. Les ONG du Nord qui ont continué à être utilisées comme des circuits de laide officielle (8) ont aussi dû faire face aux dilemmes que leur posait la protection de leur agenda. Leur aptitude à capter des fonds publics les a certainement aidés, comme la grande diversité des sources de financement auxquelles les ONG du Nord ont accès. Lhétérogénéité denvergure, déthique, et dinfluence des ONG du Nord est au moins aussi importante que celle dans le Sud; et les réponses à lévolution des contextes sont également diverses. Par exemple, le Transnational Institute (TNI) affirme que certaines des plus grandes agences daide privées étrangères sont déjà des firmes commerciales transnationales (Sogge et al. 1996).
A lavant-garde de ces réponses au changement, on peut sans aucun doute trouver Oxfam GB et les membres dOxfam International. Leur vision est de construire un réseau global sarticulant autour dune identité corporative dOxfam qui pourrait sérieusement concurrencer lhégémonie des institutions bilatérales et multilatérales politiques de développement. Toutefois, limportance accordée à la décentralisation de la gestion des programmes dans le Sud (mais toujours avec la permanence dune communication verticale et horizontale mutuelle) et à un rejet de la mentalité de projet qui a dominé le monde de laide au développement, ont entraîné une restructuration organisationnelle onéreuse. Pour certains, ce rejet va créer une institution globale, avec un tronc et des branches dans le Nord, mais des racines dans le Sud, par lesquelles les témoignages et les informations nécessaires à lélaboration et à la légitimation du rôle de préconisation dOxfam sur la scène internationale vont circuler. Pour dautres, cest un autre projet hégémonique qui soppose à la stratégie de constitution dalliances plus générales et à la coopération verticale (cest-à-dire avec des organisations et des mouvements de base) aussi bien quhorizontale invoquée par Michael Edwards, ou le modèle de solidarité internationale proposé par Firoze Manji.
Une autre vision a été formulée par Michael Taylor, lancien directeur de Christian Aid (Taylor 1997) qui demande une réorientation des ONG du Nord vers linternationalisme, et non pas une approche des questions internationales à partir des bastions du Nord. Dans ce cas, les ONG internationales ne disposeraient pas dune identité principale dans un pays du Nord, mais serait un des éléments dune organisation qui pourrait, quelle que soit sa situation (cest-à-dire au Nord ou au Sud), développer sa propre capacité, forte et compétente, et dialoguer collectivement avec lorganisation internationale. Son modèle est la campagne de la dette du Jubilé 2000 avec ses coalitions nationales dans les pays du Nord et du Sud se réunissant pour convenir dune tribune internationale commune. Et enfin, mais non des moindres, il est important de mentionner les conclusions de David Sogge et Kees Biekart, concernant labsence de futur pour les agences daide:
Les agences daide privées, comme les pauvres qui justifient leur existence, doivent-elles continuer à être parmi nous ? et doivent-elles continuer à obtenir des fonds et à les dépenser comme on vient de le décrire et de le critiquer ? &La réponse à ces deux questions est : pas nécessairement. Les agences nont pas de Destinée Manifeste. Leurs appels vertueux ne leur confèrent ni immunité ni privilèges, comme le droit à lintervention. Elles ne sont pas prisonnières de limmuabilité de certaines lois économiques de mouvement, quelle que soit lépreuve de bras de fer commerciale dans laquelle elles sont engagées. (Sogge et al. 1996 : 198).
Il y a sans aucun doute beaucoup dautres modèles et dautres propositions. Mais au cSur de ce débat nest pas seulement la relation entre les ONG du Nord et du Sud, mais la question de savoir si les organisations non gouvernementales en tant que telles ont encore une raison dêtre ou sont dune utilité quelconque à un agenda de changement dans nimporte quelle partie du monde. Lémergence de la consolidation dune société civile plus globale telle que la conçoit les donateurs et lagenda de développement de la démocratie au cours des années 1990, par exemple, ne devraient pas seulement inquiéter les ONG du Nord et du Sud sur leur futur financier. Ils devraient aussi provoquer un débat sérieux concernant les répercussions de cet agenda des donateurs sur les mouvements de base et sur leurs relations mutuelles. Dans quelle mesure le changement dorientation des ONG en faveur de la préconisation, du lobbying et de léducation, tout en améliorant la capacité de réponse humanitaire et durgence, est-il un argument suffisant pour justifier lexistence des ONG du Nord ? Les ONG du Sud se sont-elles montrées plus efficaces que les états dans les processus de développement ? Et dans le cas contraire, quel modèle détat, et quel modèle dONG devrait-on envisager ?
Goodhand et Chamberlain nous permettent daborder un thème important que nous retrouvons tout au long de ce Recueil. Ils débattent dune urgence politique complexe, qui sobserve malheureusement de plus en plus dans certaines parties du Sud, où létat se trouve dans une condition de faiblesse chronique et pourtant dispose de moyens sophistiqués pour faire la guerre. Dans leur étude de cas de lAfghanistan, les ONG la plupart étant des créations externes, qui emploient un personnel appartenant à la petite élite instruite du pays occupent lespace créé par leffondrement de létat et disposent ainsi dune influence considérable en labsence dinstitutions gouvernementales efficaces. Goodhand et Chamberlain concluent que ce type dONG nest pas une panacée pour les problèmes insolubles de développement en Afghanistan, bien quelles aient clairement un rôle à jouer en présence de lérosion des structures de la société civile et étatique dans le pays. Toutefois, il existe un réel danger quelles se retrouvent sévèrement compromises par leurs efforts de négociations avec les hommes forts du pays pour sassurer des espaces que ces derniers contrôlent.
Les urgences politiques complexes sont des expressions extrêmes de la question plus générale du rôle des ONG dans les pays où létat est faible. Deux études de cas dans ce Recueil sintéressent au rôle que les ONG peuvent jouer pour empêcher davantage lérosion du principe même de biens publics et de prestation des services publics, auxquels de nombreuses ONG de développement restent encore très attachées. Christy Cannon traite de ces complexités en Afrique, où un secteur public performant na jamais existé. Son étude des ONG dans le secteur de la santé en Ouganda suggère que les ONG pourraient essayer daméliorer la capacité gouvernementale au niveau du District, où les dirigeants des ONG et le personnel médical gouvernemental peuvent apprendre à mieux se connaître et ce dernier être assisté dans des campagnes dinfluence et de lobbying auprès du gouvernement national. Létude de cas de Christopher Collier de Zambie poursuit un thème similaire, suggérant que les ONG devraient encourager les populations démunies à exiger davantage de leurs gouvernements plutôt que de nen rien attendre parce quils sont les prestataires de biens et de service. Un tel rôle, toutefois, requiert une participation décisionnelle active des ONG concernant lallocation des ressources publiques, et non pas simplement un rôle de service-approvisionnement qui court-circuite létat, comme nombres de donateurs lont préféré.
Dans les illustrations que lon vient de voir, le principe du rôle des états nationaux dans la prestation des biens publics nest pas remis en question. Comment consolider létat et le sensibiliser aux besoins des populations déshéritées est la question cruciale, suggèrent-ils. La nature du débat sur la relation entre les états, les marchés et la société civile a manifestement progressée sur le plan qualitatif à la fin des années 1990, avec létat faisant un come back de quelque sorte. Alan Whaites lillustre très bien. Cest une erreur, affirme-t-il, de considérer le développement comme le moyen de promouvoir une société civile forte tout en ignorant la faiblesse dun état déficient. Il affirme que le but du développement doit être de redresser de tels déséquilibres, à condition dappliquer une considération analogue à une structure gouvernementale efficace et au développement dune société civile forte. Des états faibles peuvent se retrouver les otages des groupes les plus puissants dans une société, créant ainsi un obstacle réel au développement. On peut en faire le rapprochement avec les arguments déjà exposés dans cet essai sur limpact du néo-libéralisme sur la conceptualisation du rôle des ONG de développement. Les ONG internationales, Whaites affirme, contribuent dans les faits à la consolidation des sociétés civiles au détriment de létat quand elles occupent les espaces créés par lamenuisement des services gouvernementaux que les programmes dajustement structurel ont provoqué.
Alan Whaites fait une suggestion importante, que la structure théorique que les praticiens du développement ont empruntée aux philosophes libéraux abordant les questions de société civile, comme Tocqueville, ne peut pas être appliquée inconsidérément aux situations du Sud daujourdhui où le problème est celui des états faibles plutôt que forts et où la fragilité de la société civile a été, il semblerait, exagérée.
Il existe certains arguments pour étayer cette thèse. Mais la question se situe peut-être moins au niveau de la force ou de la faiblesse de létat, quà celui de la possibilité de développer une capacité de distanciation par rapport aux groupes dominants. Il existe une longue tradition de théorisation marxiste sur létat capitaliste allant dans ce sens. Cest peut-être loccasion de se souvenir du célèbre débat, aujourdhui tombé dans loubli, des années 1970 entre Ralph Miliband et Nicos Poulantzas sur la question de savoir si létat capitaliste est linstrument de groupes spécifiques de la classe dirigeante, occupant des positions influentes au sein de lappareil gouvernemental, ou si létat peut protéger les intérêts du capitalisme parce quil est structurellement aménagé pour le faire, et que cette capacité implique une distanciation protectrice contre une influence directe de la classe dirigeante. Le recueil dessais dAdrian Leftwich sur le développement et la démocratie conclut que dans le deuxième cas, cela a donné lieu au développement tardif dun capitalisme beaucoup plus efficace (Leftwich 1995). (9)
En conclusion, il nest pas suffisant de simplement intervertir le paradigme qui est devenu prépondérant au début des années 1990, et de passer ainsi dune consolidation de la société civile à une consolidation de létat, ou simplement détablir un meilleur équilibre entre les deux. Il faut aborder dautres questions si les ONG veulent relever le défi auquel on a déjà fait allusion, qui est celui de la récupération de leur propre agenda de changement social face aux impératifs des donateurs et des politiques de libéralisation économique qui ont gouverné la mondialisation au cours de ces deux dernières décennies. Des questions telles que : Dans quels intérêts létat doit-il agir ? Quel genre de rapports voulons-nous établir entre létat et la société civile ? Dans quelle mesure lopération de la loi de marché et le capitalisme en général affecte-t-elle notre vision ? et enfin, dans quel monde voulons-nous vivre ? En dautres mots, précédent ou au moins accompagnant les questions de politiques générales soulevées par Whaites, il fait aborder de nombreuses questions théoriques, normatives, et politiques. Cest lincapacité à aborder ces questions au nom de la suprématie des pratiques et/ou du déterminisme technique qui se trouve, jen suis sûre, derrière la dérive et la fragmentation des ONG dans les années 1990.
Nombreux sont les travailleurs des ONG qui veulent participer concrètement à lélaboration dun monde meilleur. En tant que tels, ils opposent leur démarche orientée vers laction à celles des intellectuels qui réfléchissent, analysent et critiquent, cloîtrés dans leur tour divoire. Dans le domaine des études des ONG, il y a un rapprochement entre les deux, et les pages de Development in Practice le reflète dans une certaine mesure. Toutefois, le reste des essais de ce Recueil essaye de transcender ce potentiel de collaboration entre les politiques générales et les pratiques, pour sinterroger sur ce que pourrait être ce potentiel de collaboration dans le domaine de la théorie de développement, la réflexion normative, et les politiques générales.
Un argument pivot de cette introduction est lincapacité des ONG à développer des outils danalyse théorique et de critique normative qui leur soient personnels à la suite de leffondrement des différents modèles socialistes de développement qui autrefois leur avaient servi de phares. Le résultat a été une approche problème/solution au développement, justifiée par largument quun excès de débat théorique et abstrait est un obstacle aux réalisations pratiques. Michael Edwards affirme que :
Lenjeu pour lavenir nest pas intellectuel. Nous aurons bien sûr toujours besoin de recherches supplémentaires, mais nous connaissons déjà les principes qui sous-tendent la réussite des projets : s'investir dans les réalités locales, prendre son temps, expérimenter et apprendre, réduire la vulnérabilité et le risque, et toujours travailler simultanément au développement matériel et social. La vraie question est de savoir pourquoi autant dagences compromettent ces principes en négligeant des étapes, et la réponse à cette question se situe dans &&la vision à court-terme, une orientation vers davantage de contrôle et la standardisation qui ont perverti le travail de développement depuis une génération ou plus. Dans cette optique, les projets fonctionnent comme des mécanismes de prestation daide étrangère, et ne sont donc pas les composantes transitoires dun changement à long-terme (Edwards 1999 :86)
Presque tout ce qui vient dêtre décrit est déjà connu de tous ceux qui ont une expérience récente du monde des ONG, mais je récuse lidée quil ny a pas un défi intellectuel sérieux quil est important de relever, tout en recalibrant les attitudes et la praxis. Cela ne constitue peut-être pas un problème de recherche empirique en soi, mais concerne en dernière analyse lespace que les ONG décident doccuper dans le système global. Ce nest pas un débat concernant des questions théoriques abstraites, mais des questions fondamentales telles que : Pour qui est la pratique et pour quoi ? Hormis dautres conséquences, lincapacité à débattre de ces questions a conduit au consensus sémantique erroné des années 90, et si je peux être abrupte, à une paresse intellectuelle tributaire dune poignée de concepts et de mots qui se sont substitués à la réflexion. (10) La pratique sen est trouvée fragilisée et ébranlée et cela a, je le pense, contribué à la crise actuelle de légitimité au sein du secteur ONG. Plusieurs articles dans ce recueil, ainsi que mon expérience personnelle en Amérique Latine, mont conduite à cette conclusion.
Deux articles publiés en 1996, et qui se trouvent dans ce recueil, ont essayé vaillamment déveiller les ONG aux conséquences pratiques des différentes méthodes dutilisation de concepts. Sarah White fait une remarque fondamentale sur le concept de participation. Le mot doit être considéré comme politique parce quil na pas de connectivité intrinsèque avec un projet radical puisquil peut tout aussi bien ancrer et reproduire des relations de pouvoir déjà présentes. Nous pouvons investir des significations dans ces concepts grâce à lenseignement de la praxis et en nous laissant guider par la rigueur théorique et les principes éthiques. Mais si nous les considérons comme des termes non problématiques, neutres ou techniques, ils peuvent alors prendre une signification aléatoire et subjective selon les contextes. Les concepts deviennent alors dépolitisés, et sont rendus, dans les faits, inutilisables pour façonner la praxis. White le démontre en déconstruisant des systèmes différents dans lesquels la participation a été utilisée comme concept, et en montrant linfluence quelle peut avoir sur les processus sur le terrain en Zambie et aux Philippines. Il faut toujours se demander, affirme-t-elle , lorsque lon parle de participation qui sont les participants, quels sont les modes de participation et quels en sont les termes; et les intérêts de ceux représentés dans le concept doivent être analysés. Finalement, elle souligne que si lon veut vraiment donner une signification à la participation, il faut quelle puisse remettre en question les relations de pouvoir déjà existantes et stimuler le conflit : labsence de conflit dans de nombreux programmes soi-disant participatifs devrait éveiller nos soupçons.
Le deuxième article traite du concept de la société civile et du développement, un mariage conceptuel que jai eu, avec ma collègue Jude Howell, loccasion détudier assez longuement (Howell and Pearce, à paraître). Alan Whaites cherche aussi à montrer comment labsence de clarté conceptuelle obscurcit la pratique. En particulier, il se concentre sur deux conceptions de société civile. Dun côté, il y a celle qui est enchâssée dans lapproche libérale de Tocqueville qui oppose la société civile et la société traditionnelle, identifiant la première avec les groupes qui ont rompu avec leurs loyautés originelles de sang et de famille, et ont transcendé ces frontières traditionnelles pour former des coalitions sur des questions minoritaires. Dun autre côté, il y a la perspective de Jean-François Bayart qui a une vision plus universalistique de la société civile, plus appropriée, laffirme-t-il, au contexte africain, et qui inclut les associations originelles. (11) Whaites souhaiterait que lon accorde plus dattention au mode démergence des associations civiles à partir des groupes communautaires qui seffectue sur un schéma pratiquement identique à celui déjà formulé par Tocqueville, et en appelle implicitement à une certaine prudence envers la notion de consolidation des attachements originels au nom de la société civile. Cest une contribution au débat essentiel qui devrait avoir lieu chez les praticiens de développement, sur le choix des partenaires de travail dans le Sud, et ses raisons. Mais sans le travail intellectuel sur le concept de société civile, le débat est de fait éludé. Je voudrais ajouter quil existe une autre vision de société civile, en particulier dans des pays avec des traditions de mobilisation et dorganisations de gauche, qui est celle qui sapproprie le terme pour décrire les luttes gramsciennes anti-hégémoniques qui sopposent à la loi du marché aussi bien quà létat. Les ONG sont donc contraintes de sélectionner ceux quelles vont soutenir en fonction de certains critères, un exercice qui requiert un débat conceptuel et stratégique rigoureux
Il nexiste pas de vision correcte de société civile, mais il faut faire une remarque fondamentale concernant les modes dutilisation du concept. Lutilisation du terme en tant que concept normatif, cest-à-dire notre conception de ce que la société civile devrait être ou ce que nous aimerions quelle soit, est souvent confondue avec une description empirique, cest-à-dire ce quelle est (Pearce 1997). Le dérapage constant entre les deux concepts dans la littérature sur le développement et dans la pratique des agences multilatérales, des gouvernements et des ONG a contribué à une approche technique et dépolitisée de la consolidation de la société civile qui a eu en définitive une portée politique. Il a, par exemple, privilégié en grande partie la vision des agences de donateurs de lOuest et a converti le processus de la société civile en projet. (12) En dautres termes, en souscrivant à une absence de controverse sur notre conception de ce que la société civile devrait être, et en souscrivant à lidée que cest un élément empiriquement identifiable et non problématique dont le but est indubitablement de construire la démocratie et dencourager le développement, la vision des donateurs qui détiennent et le pouvoir et les ressources prédomine. Linaptitude des ONG à clarifier leur position signifie que nombre dentre elles finissent simplement par matérialiser cette vision pour le compte des donateurs. Si cette vision coïncide avec leurs propres objectifs, il ny a pas de problèmes ; mais si cest un accident résultant dune absence de réflexion, alors il y en a un.
Enfin, deux articles publiés dans les éditions de Development in Practice au début de ce millénaire, nous invitent à considérer les autres aspects du débat sur la théorie, la praxis et les ONG. Lilly Nicholls discute des faiblesses conceptuelles des efforts entrepris pour stimuler une réflexion plus humanisée sur le développement. La question cruciale quelle soulève est de savoir si les idées de Développement Humain Durable (DHD) et de Développement Axé sur le Peuple (DAP) sont suffisamment affinées pour pouvoir informer la praxis :
DHD/DAP sont des idées qui peuvent paraître séduisantes, mais la question clé est de savoir si le paradigme est acceptable conceptuellement et peut être appliqué dans les pays les plus pauvres (lOuganda dans ce cas particulier), où il est le plus indispensable. Et dans laffirmatif, si les agences multilatérales comme le PNUD et, bien sûr, des ONG internationales plus petites et moins bureaucratiques comme Action Aid, sont capables de transposer dans la pratique ses éléments les plus ambitieux?
La conclusion de Nicholls est très négative. Les idées sont basées sur des principes tellement abstraits et complexes quil est impossible de réconcilier la théorie avec une stratégie réaliste de développement et un plan daction. De plus, lambiguïté idéologique et les contradictions internes des idées en elles-mêmes limitent leur transposition en une stratégie de développement effective. Largument que la théorie est importante pour la pratique sappuie fondamentale sur lutilisation doutils conceptuels pour orienter la réalisation des politiques générales, et non pas sur des principes abstraits, apparemment appropriés, mais qui nont aucun rapport avec laction.
Enfin, et pour montrer que dans Development in Practice, il ny a pas que des critiques, on peut trouver le document dAmina Mama. Ce quelle démontre est quune recherche sur laquelle sappuie lélaboration de la théorie et la connaissance, non pas à partir de principes abstraits, mais en procédant à partir du terrain et vers le haut, aura de plus grandes chances de succès que la simple application de ces principes au terrain. Léquipe de recherche de Mama, composé de chercheuses africaines du réseau dABANTU pour le Développement, a entrepris une investigation dans les difficiles conditions dun pays sous autorité militaire au Nigeria pour découvrir comment des considérations liées aux sexospécificités pouvaient être incorporées dans un programme régional de consolidation de la société civile. En dépit des conditions difficiles, les chercheuses ont utilisé une méthode participative, à partir des conceptions locales et présentes dans les communautés des ONG sur les politiques générales. Les chercheuses ont découvert des degrés dactivisme en ce qui concerne les sexospécificités qui nauraient pas pu être appréciés sans la méthode participative et ont eu un aperçu de la diversité des rapports locaux entre létat et la société civile, offrant ainsi des opportunités pour la praxis qui nauraient peut-être pas été possibles autrement.
En conclusion, cette section est une requête adressée aux ONG pour leur demander de reconsidérer leurs vues sur les relations entre la théorie et la praxis. En premier lieu, cest une demande de récognition que la théorie étaye la conception que nous avons du monde social et politique ; elle ne lui est pas extrinsèque, et nous participons tous à sa construction et à sa déconstruction potentielle. (13) La théorie et les politiques générales qui en découlent ont des conséquences et des répercussions politiques qui ne doivent pas être ignorées et qui suggèrent que plus la formulation des hypothèses théoriques qui étayent notre compréhension est explicite, plus nous pouvons démontrer notre responsabilité envers les gens dont nous prétendons vouloir améliorer les conditions de vie. Lapproche problème/solution pour aborder le développement, dun autre côté, conduit à une focalisation technocratique solution/résultat (opposée à une focalisation apprentissage/processus), qui considèrent les gens comme étant des clients, bénéficiaires, et récipiendaires plutôt que des participants actifs dans les agendas pour le changement.
Ces questions renvoient aux débats qui se tiennent actuellement dans le domaine détudes qui est le mien à propos de la paix qui porte, comme le développement, fondamentalement sur un agenda de changement. Deux collègues ont débattu du danger de produire des connaissances techniquement exploitables plutôt que des connaissances améliorant la capacité pour une action éclairée (Featherstone et Parkin dans Broadhead, 1997). Lélaboration de ces dernières est aussi bien la responsabilité des praticiens que des théoriciens. Dans la panoplie des outils disponibles, ceux de la théorie sociale critique fournissent un point de départ important. Ils ont déjà commencé à informer les chercheurs travaillant sur la paix et sont, je le pense, tout aussi pertinents dans le domaine du développement. Ils nous interpellent afin que nous reconnaissions, par exemple, que la connaissance se construit historiquement et que notre position, en tant quagents, se situe à lintérieur de ce processus et non pas à lextérieur. Ils indiquent que nous devrions nous interroger pour identifier pour quoi et pour qui cette connaissance existe, et comment nous pouvons développer une connaissance pratique et théorique qui soit non exploitrice et transformatrice. Ils indiquent également que rien nest immuable car tout est construit par quelquun dans un objectif défini; Il nous faut seulement clarifier la raison pour laquelle nous voudrions reconstruire ce qui existe déjà.
Cette introduction a identifié quatre domaines cruciaux de réflexion et de débat qui ressortent des documents publiés dans Development in Practice pendant presque dix années, ainsi que dautres sources.
1 Le néo-libéralisme et la mondialisation motivée par le néo-libéralisme ont sérieusement nui à la lutte contre la pauvreté et lexploitation dans le monde daujourdhui. Les avantages dont un nombre restreint de personnes a pu bénéficier nont pas su compenser laugmentation de la pauvreté, linégalité et lincertitude dont un grand nombre ont fait lexpérience. Le concept dONG, facilitatrices de changements et éthiquement motivées a été compromis par la décision de nombres dentre elles de réaliser les programmes daide et de protection sociale pour des institutions engagées dans une libéralisation économique et anxieuses den limiter le coût social. Simultanément, la fragmentation et la concurrence ont progressé parmi les ONG et encouragé un clivage supplémentaire au sein dune communauté historiquement hétérogène. Cest avec ce défi lancé aux ONG que commence ce millénaire, celui de réfléchir sur cette réalité et den débattre. Alors quau modèle plus idéologique de néo-libéralisme qui a dominé les années 1980 et le début des années 1990 se substitue la volonté de construire un capitalisme global mieux réglementé, les ONG doivent décider de ce que sera leur position par rapport à ce capitalisme, plutôt que de se laisser entraîner dans des agendas déterminés par les donateurs de ces temps modernes, comme beaucoup lont déjà fait au cours de la décennie précédente et auparavant.
2 Le rôle des ONG du Sud et du Nord, et leurs relations mutuelles, devront évoluer pour répondre au nouvel ordre du monde et au programme de politiques générales des années 1990 et au-delà. Cela a été largement reconnu, et des modèles dun genre différent sont progressivement en train démerger. Mais si lon veut respecter les différences tout en encourageant la coopération plutôt que la concurrence, il va falloir un débat plus ouvert et transparent ainsi quune auto-réflexion parmi et entre les ONG du Sud et les ONG du Nord. Il est probable que les ONG, comme les groupes sociaux relativement privilégiés qui font partie en majorité de leur personnel, se polariseront autour des tensions sociales et politiques du monde qui les entoure. Certaines peuvent choisir de sinstitutionnaliser comme prestataires de services, dautres doccuper le nombre croissant despaces disponibles pour un dialogue sur les questions de gouvernance globale. Dautres peuvent admettre quelles sont en définitive des facilitatrices et non des agents de changement social (Pearce 1993) et renouer avec les militants sur le terrain. Cela nexclut pas la recherche dun terrain dentente sur lequel bâtir des alliances plus efficaces. Mais il faudrait reconnaître que la survie de lidée même des ONG et du secteur ONG, du moins dans sa forme présente, ne peut plus être accepté comme allant de soi.
3 Les ONG ne peuvent pas et ne doivent pas remplacer létat en promouvant le développement. Alors quil y a eu de nombreuses discussions sur la nature de leurs relations, et sur lamélioration que les ONG peuvent apporter à la responsabilisation de létat et à sa sensibilisation aux besoins des pauvres, on na moins débattu du rôle de létat et de ce que nous aimerions quil soit. Cela vaut-il la peine de le défendre, dans le cadre de la logique apparente anti-état de la mondialisation capitaliste? Ou faudrait-il que des sites locaux et régionaux originaux deviennent le nouveau centre dintérêt, comme le Rapport 1999/2000 de la Banque Mondiale le suggère? Il est important daccorder une attention toute particulière à lutilisation du concept de société civile si elle doit avoir rôle dans la reformulation de létat. Utilisée en tant que description empirique dassociations bénévoles et de groupes sociaux, elle va nécessairement refléter les différentiations sociales enchâssées dans toute société. Celles-ci ne déterminent peut-être pas le caractère de létat, mais elles le façonnent de manière cruciale. Elles sont à leur tour façonnées par les dynamiques du marché aussi bien que par les relations de pouvoir sous toutes ses formes. En tant que telle, la société civile utilisée dans le sens empirique du terme, peut aussi avoir un impact dans le refaçonnage de létat ; et cest à ce niveau que se situe lespace pour laction et le changement. Cela dépend des objectifs spécifiques que chaque groupe peut avoir, et nest pas nécessairement progressiste.
4 Afin de clarifier les actions et le changement que les ONG anticipent, ces dernières ont besoin, en tant quassociations fonctionnant au sein dune société civile empirique, de développer la base de leur critique théorique, normative et politique de lordre global et des discours de développement qui ont jusquici dominé lépoque de laprès-guerre. Elles ne doivent pas présumer de la supériorité de la pratique, et condamner la conceptualisation des processus comme étant nécessairement une diversion par rapport aux problèmes réels. Non seulement la pratique reflète toujours des suppositions théoriques implicites, mais elle peut être rarement améliorée par des solutions strictement techniques, qui à leur tour masquent des choix politiques et normatifs. Ce devrait être un des enseignements fondamentaux pour les ONG au cours de cette dernière décennie ou plus. Lobjectif dune clarification qui sappuie sur un principe de critique devrait être, toutefois, lamélioration de la pratique et une stimulation du débat, et la recherche dun terrain dentente avec tous ceux qui participent à cette entreprise collective.
Je conclurai en réfléchissant un peu plus à limpact de lévolution actuelle des idées concernant lordre global, sur les possibilités offertes aux ONG en ce début de nouveau millénaire et limpact potentiel sur leur futur. Le glissement paradigmatique vers lélaboration de nouvelles formes de gouvernance globale et dun rôle différent pour la société civile, quelle que soit sa définition, a été établi. La récognition de la nécessité dune forme de régulation de léconomie globale, est devenue plus explicite. Aujourdhui, la Banque Mondiale propose un message de coopération. Cela représente un repli par rapport au néo-libéralisme idéologique des années 1980 et qui sest traduit dans son Rapport de 1997 par une acceptation de létat et de la société civile aussi bien que du marché comme acteurs essentiels de son modèle triparti de développement basé sur le pays. Maintenant la Banque affirme :
Le message de ce rapport est que de nouvelles réponses institutionnelles sont nécessaires dans un monde globalisant et localisant. La mondialisation sollicite les gouvernements nationaux pour une recherche daccords de partenariats avec les autres gouvernements nationaux, les organisations internationales, les organisations non gouvernementales, (ONG) et les entreprises multinationales par lintermédiaire dinstitutions supranationales (Banque Mondiale 2000 :3)
Alors que les espaces pour la coopération et la participation globale den haut prolifèrent, les ONG doivent faire face à de nouveaux choix, une situation qui rend la demande de débat et de clarification des fondements de leurs critiques encore plus pressante. Les avantages de la coopération et de la résistance à la cooptation dépendent dabord dune clarification des raisons du dialogue et une identification des individus avec lesquels vous choisissez de dialoguer dans des espaces supranationaux dominés par des institutions et des entreprises plus puissantes, et ensuite de lappréciation de la limitation du dialogue. La volonté de vous battre pour ce que vous estimez être juste doit certainement rester un des instruments des sans-pouvoir et de leurs alliés, un exemple de la diversité nécessaire de leur répertoire de contention (Tarrow 1998 :20). Clarifier votre conviction de ce qui est juste et vos raisons est, par conséquent, essentiel.
Les ONG ne sont pas des partis politiques, pas plus quils ne sont des mouvements sociaux de base. Leur crise didentité sexplique en réalité par la position quelles occupent entre les deux, la crise des premiers et la nature instable, souvent temporaire des derniers ayant assuré, dans une certaine mesure, leur participation à ce drame.. Dans le domaine du développement, lantagonisme néo-libérale envers létat joue aussi un rôle majeur, bien entendu. Si les ONG sont réifiées institutionnellement en dehors de ce contexte comme faisant partie, par exemple, dun Tiers Secteur émergeant (14) , nous pouvons facilement oublier quelles ne sont seulement que des espaces organisationnels qui reflètent les choix offerts aux secteurs sociaux moyens, plus instruits et socialement sensibilisés du Nord et du Sud, cest à dire ceux qui disposent de privilèges relatifs par rapport au reste de leurs sociétés sur le plan de la classe, de lethnie et/ou du genre.
Pour les ONG de développement, cest à dire, celles qui sont concernés par la pauvreté et lexploitation globale, les choix concernant les différentes formes de lutte ou dengagement contre le capitalisme global en ce début de millénaire sont devenus plus évidents. Elles peuvent continuer à travailler dans le cadre évolutif de lapproche néo-libérale de la mondialisation, administrant laide sociale à ceux que les lois du marché ont exclus. Elles peuvent également accepter la mondialisation comme étant un processus inéluctable, mais profiter des nouveaux espaces supranationaux disponibles pour demander des nouveaux dispositifs de régulation des marchés et des régimes internationaux à lavantage des déshérités. Les entreprises multinationales offrent également de nouveaux espaces de dialogue aux ONG qui les réprouvent sur le thème de la déontologie de lentreprise. Ou encore les ONG peuvent activement s'associer aux mouvements de lutte contre la mondialisation, dans toute leur diversité, tels quils sont apparus à Seattle au cours des négociations de lOrganisation Mondiale du Commerce (OMC). Comme Seattle le montre, la lutte contre la mondialisation nexprime pas la lutte contre le capitalisme dans tous les cas, mais elle signifie toujours la lutte contre le néo-libéralisme, même dans sa forme la plus modérée. Dun autre côté, les ONG peuvent assumer les conséquences financières dune option qui privilégie le travail de soutien de la base, élaborant sur lidée de Gramsci, par exemple, dun intellectuel organique. Cela démontrerait une appréhension de la relation de subordination du changement global aux actions que des individus se trouvant dans une pauvreté relative ou absolue, les millions de travailleurs et de sans-emploi, qui nont aucun intérêt matériel à la perpétuation de lordre existant, choisiront dentreprendre.
Ce ne sont pas les seules options pour les ONG, pas plus que ces options ne sexcluent mutuellement. Il y a de la place pour une pluralité de choix daction et dalliances tactiques. Mais ce qui est dangereux est de choisir une de ces options sans clarification dobjectifs, et sans évaluation des répercussions à partir dune perspective de critique théorique, normative et politique de lordre global existant.
Les événements de Seattle doivent faire lobjet dune évaluation complète, mais cest un des événements récents les plus significatifs dans le contexte du sujet de ce Recueil. Toutes les ONG, y compris les ONG de développement, ont obtenu une récognition sans précédent de leur pouvoir et influence à la suite de ces événements ; LEconomist (1999), demande nerveusement : Les ONG démocratisent-elles ou simplement contrarient-elles la gouvernance globale ? LEconomist a tendance à mettre tous ces groupes contestataires dans le même panier, et a affirmé ensuite que la bataille de Seattle est la dernière en date et la plus visible de toutes les victoires récentes des ONG. La réalité est bien différente, bien entendu. Seattle a en fait exposé les disparités qui existent parmi les lobbyistes, les syndicats, des militants et des protestataires dans le monde entier, dont les ONG ne sont quune variante. Un observateur a noté que Même dans la période préparatoire précédent la semaine de Seattle, les éléments bien élevés parmi les carriéristes de fondations, les bureaucrates des ONG, et les nerds des politiques [sic] - tiraient tous le signal dalarme, affirmant que la seule chose à redouter à Seattle au cours de cette semaine en question était la protestation active (St Clair 1999 : 88). Il y aura de nombreux débats, comme il se devrait, tentant didentifier ce qui a été le plus significatif dans les événements de Seattle, que ce soit laction directe, un sang-froid irréprochable, ou larrogance, lignorance et la médiocrité de la planification des gouvernements du Nord, en particulier des Etats Unis. Quelle que soit la conclusion, on ne peut nier que la créativité de la protestation des rues a joué son rôle. La vraie question est de savoir comment maintenir ce processus dynamique alors même que le capital dentreprises et les gouvernements se préparent à passer un nouvel accord commercial. Cest précisément ce genre de situations qui obligent les ONG de développement, pour lesquelles de tels accords soulèvent des questions fondamentales, à clarifier leur position, aussi bien quà reconnaître les limitations de leur rôle et de sincliner devant la diversité des formes dactions sociales et collectives.
Etant donné la diversité et lantinomie dans bien des cas de certaines des options, nous devrions peut-être abandonner la recherche pour le rôle des ONG dans le développement, ou le rôle de société civile, et peut-être même la notion dobjectif manifeste de développement. Nous pourrions nous concentrer davantage sur un débat concernant les choix daction et les principes et hypothèses théoriques implicites qui les guident. Nous pourrions évaluer, par ce que la pratique peut nous enseigner, par la discussion et par la pensée critique, plutôt que par lidéologie ou lutilisation de listes de vérification, limpact réel des interventions externes sur des situations de pauvreté et dexploitation et décider, sur cette base, où et comment agir dans lordre global. La clarification des hypothèses est le moyen didentifier les divergences, dinformer les choix et en définitive dencourager le débat et la coopération parmi des individus qui sont déterminés dune façon ou dune autre à construire un monde meilleur.
Jaimerai remercier Janet Bujra, Donna Pankhurst et Deborah Eade pour avoir lu et commenté ce document.
Notes
1. Si le seuil de pauvreté est de US$2 par jour, par exemple, le nombre de ceux qui se trouvent en deçà est de 2.8 billions, presque 50 pour cent des six billions de la population mondiale. Je suis très reconnaissante à ma collègue, Janet Bujra, pour me rappeler que lexamen de la pauvreté globale en soi, peut dissimuler des relations sociales dexploitation qui sont cruciales à toute compréhension de la pauvreté et de lappauvrissement.
2. Il existe un débat important dans le domaine de léthique du discours sur ce point particulier, dont dérive lintérêt dEdwards pour un engagement sous forme dialogique. Le philosophe établi au Mexique, Enrique Dussel (1998), par exemple, récuse les propositions de Jurgen Habermas, avec leurs origines dans le Nord, affirmant que le principe du discours doit dabord être réalisé dans la communauté des victimes, la majorité dentre elles se trouvant dans le Sud, en tant quélément du processus de recouvrement du droit/capacité dexpression. Je suis reconnaissante à Ute Buehler, pour attirer mon attention sur ces textes.
3. Par exemple, les résultats préliminaires du Département dEvaluation des Opérations (OED) de la Banque Mondiale sur la contribution des ONG à lefficacité du développement dans des projets soutenus par la Banque a trouvé que les partenariats dONG nont pas toujours eu des résultats positifs. Bien quil existe de nombreuses variantes d ONG, le nombre de celles qui possèdent de sérieuses capacités de développement et la volonté de travailler en collaboration étroite avec les gouvernements sur une échelle significative essentielle pour la plupart des projets de la Banque Mondiale reste limité. Ce facteur ainsi que dautres ont entraîné chez certains emprunteurs et chez le personnel de la Banque un scepticisme concernant le rôle des ONG dans les opérations de la Banque. Pour certains emprunteurs, les ONG sont considérées davantage comme des contestataires que des partenaires potentiels. Pour un certain nombre du personnel de la Banque, les ONG leur font perdre leur temps sans quil y ait davantages compensatoires (World Bank NGO Unit Social Development 1998, page 13)..
4. ALOP est lAssociation dAmérique Latine des Organisations de Promotion (Asociación Latinoamericana de Organizaciones de Promoción). FICONG est le Programme de Consolidation institutionnel et de Formation des ONG en Amérique Latine et dans les Caraïbes (Programa de Fortalecimiento Institucional y Capacitación de ONGs de América Latina y el Caribe).
5. Les ONG internationales, dont beaucoup ont reçu de largent de leur gouvernement, ont progressivement adopté le langage de lefficacité et de lexpertise pour pouvoir justifier ce financement, et lont ensuite exigé de leurs partenaires dans le Sud. Voir Tina Wallace (1997) sur limpact du cadre logique (log-frame).
6. Dans cet article réimprimé dans ce recueil, Edwards et Hulme ont observé que même en 1992 alors que les ONG ont réussi à influencer les donateurs officiels et les gouvernements en ce qui concerne les projets individuels et même les thèmes de certains programmes (tels que lenvironnement dans le cas de la Banque Mondiale), ils ont échoué à amorcer des changements plus fondamentaux dattitudes et didéologies dont dépendent, en définitive, les progrès tangibles.
7. Il y a eu une baisse de 20 pour cent en termes réels dans le flux de lAssistance Officielle au Développement des pays du Comité dAssistance au Développement de lOCDE, de US$60.8 billions en 1992 à US$48.3 billions en 1997. Le pourcentage moyen du PNB alloué à laide étrangère a décliné et est de 0.22 pour cent en 1997, moins du tiers de lobjectif établi à 0.7 pour cent (Rasheed 1999. page 25).
8. Edwards, Hulme et Wallace (1999:8) pensent que la raison est que les donateurs appréciant encore la valeur de la fiabilité de la prestation et des mécanismes financiers de responsabilisation estiment que les ONG représentent une meilleure garantie que leurs homologues du Sud; de plus, il existe peu dONG du Sud qui ont la capacité de réaliser une opération humanitaire sur une grande échelle.
9. Cette conclusion sest certainement dégagée de la contribution que jai apportée à ce volume (Démocratie et développement dans un pays divisé : le cas du Chili), qui tentait dexpliquer la relation entre la nature changeante de létat du Chili, la dictature de Pinochet et le succès du modèle macro-économique des années 1980 et 1990. La variable de létat et sa distanciation relative par rapport au pouvoir des intérêts socio-économiques a été plus déterminant que la démocratie ou la dictature en tant que telles.
10. En toute justice, le Marxisme a souvent servi dans le passé à fournir un langage commun grâce auquel il était possible déviter la pensée critique et le débat.
11. Ce débat se retrouve dans de nombreux textes. Gellner (1994) en formule la vision libérale tandis quon peut trouver une critique anthropologique dans Hann et Dunn (1996). Wachira Maina dégage les répercussions politiques de cette distinction dans son chapitre détude de cas Kenya : létat, les donateurs et la politique de démocratisation dans Van Rooy (1999 : 134-167) ; et Mahmood Mamdani (1996) en fait son thème central.
12. Cest le sujet de la société civile : solution technique ou agent de changement social de Jude Howell et Jenny Pearce, à paraître dans un volume de documents qui ont été présentés à la conférence de Birmingham, édité par Michael Edwards, David Hulme et Tina Wallace.
13. Ces réflexions proviennent dun document non publié que jai présenté avec Sarah Perrigo à la conférence de lAssociation des Sciences Politiques à Nottingham en mars 1999, intitulé From the Margins to the Cutting Edge : Challenges Facing Peace Studies in the Next Millennium. Je suis reconnaissante à Sarah pour avoir contribué à notre discussion sur la théorie politique et les études sur la paix qui documentent ces réflexions.
14. Un débat actuel important qui nest pas abordé dans cette Introduction concerne ceux qui estiment que les ONG sont un élément du secteur bénévole sans but lucratif qui revêt une signification politique et économique croissante. Lester Salamon (1997) et dautres associés du journal Voluntas, et le Centre pour les Etudes de Société Civile à lUniversité Johns Hopkins, proposent une interprétation originale du rôle des ONG qui est en train de gagner une influence considérable dans le monde politique et académique.
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