La main-d'oeuvre rurale africaine et la Banque Mondiale: une autre perspective possible

Dans le contexte des changements économiques et technologiques auxquels nous assistons alors que le vingtième siècle touche à sa fin, le Rapport sur le Développement Mondial 1995 de la Banque Mondiale combine les thèmes du travail et du marché mondial, en célébrant le triomphe du marché dans la distribution efficace de la main-d'oeuvre aux quatre coins du monde. L'accent que porte la Banque Mondiale sur l'expansion de la capacité d'exportation agricole de l'Afrique ignore l'hostilité des conditions en vigueur auxquelles se heurtent les produits africains sur le marché mondial, ainsi que la tendance actuelle au déplacement de la main-d'oeuvre agricole. La "fuite de la main-d'oeuvre", en particulier celle des jeunes, indique que les agriculteurs africains eux-mêmes ont perdu toute illusion concernant la pratique de l'agriculture dans les conditions présentes du marché libéralisé. De par son étroitesse, la vision de la Banque Mondiale quant à une politique générale pour l'Afrique évite les implications sociales et politiques du déplacement de la main-d'oeuvre rurale ainsi que la nécessité d'un investissement dans le capital humain en milieu rural. Les auteurs de cet article soutiennent que l'investissement dans le capital humain pourrait à présent avoir pour seule alternative la guerre et des secours humanitaires coûteux, et ce pour des décennies à venir.